Au village, on n’interrompt pas un chant. Couper l’enchaînement des mots serait rompre le halo de lyrisme qui les accompagne. Pour laisser chanteur et chanteuse dialoguer sans interruption inopportune, j’ai placé en tête de cette étude sur le tam pöt des Cau Maa’ le poème interprété et, autant qu’il m’était possible de le faire, restitué sous une forme accessible sans coupures du texte.
Après ce chant écrit d’un seul jet, j’expose, dans un deuxième chapitre, les aspects techniques de la poésie maa’. Cette étude des formes de l’expression, du système de versification et du mode de transmission de la littérature orale permet d’aborder plus facilement le troisième chapitre consacré à la traduction rigoureuse. Une telle traduction demande à être développée et commentée plus ou moins longuement pour être intelligible et replacée dans le milieu social bien vivant ; elle occupera donc la plus grande partie de l’ouvrage.
Kôong et K’Yae, les protagonistes du dialogue, sont des types définitivement fixés et censés représenter tous les amants de la terre (de la terre maa’ s’entend) qui s’expriment ainsi par leur intermédiaire. Pour leur donner un visage et une présence, j’ai recherché dans mes photographies, prises tout au long de la décennie 50, les Kôong et les K’Yae du moment. J’ai tenu à choisir des photographies inédites et, pour cela, me suis privé de certaines tout à fait appropriées mais déjà publiées par ailleurs. Comme il est toutefois vain de vouloir illustrer précisément un texte à allure lyrique et à portée très générale, j’ai retenu des images qui parfois se rapportent à quelques détails d’un vers particulier et d’autres fois ne font qu’évoquer une certaine ambiance suggérée par le chanteur et ressentie par l’auditoire.
Jean Boulbet