Études instrumentales des techniques du yoga : expérimentation psycho-somatique

Précédé d'un article de Jean Filliozat « La nature du yoga dans sa tradition »

Thérèse BROSSE

Jean FILLIOZAT

Collection : Monographies / PEFEO

Collection's number: 52

Edition: EFEO

Publication date: 1976

Status : Out of Print

34,00

ISBN-13 : 9782855390352

ISSN : 0768-3944

Width : 19,5 cm

Height : 28 cm

Weight : 0,57 kg

Distributor : EFEO Diffusion

Geography : India

Language : French

Place : Paris

Support : Papier

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Abstract

Cet ouvrage est précédé d'une très importante étude du professeur Filliozat (28 pages) étudiant la nature du yoga dans sa tradition. Au moment où le yoga est l'objet d'une vulgarisation tapageuse, péremptoire et souvent erronée, le professeur Filliozat montre que son étude scientifique a découragé jusqu'ici bien des chercheurs sérieux. Rares, en effet, sont ceux qui maîtrisent toutes les disciplines nécessaires à cette investigation : philologie, histoire, sociologie, médecine, psychologie et physiologie et les méthodes instrumentales qu'elle exige. Il commence par une définition : yoga peut désigner toute discipline rendant apte à toute maîtrise de quelque sorte que ce soit. Il appartient, à la fois, au brahmanisme ancien, au bouddhisme, à l'hindouisme moderne et même à certains groupes musulmans hétérodoxes de l'Inde. Il a inspiré certaines techniques du taoïsme chinois et du zen japonais.
 
Il peut prendre un aspect purement profane et technique ou un aspect religieux conduisant à la vision de l'Être Suprême, c'est-à-dire à « l'extase ». A ce point de vue, il n'est pas sans similitudes avec la pratique des soufis musulmans du Moyen-Orient et de Yhésychasme de l'Église chrétienne orientale. S'il est vrai que yoga et hésychasme ont des analogies superficielles, ils représentent, toutefois, deux traditions parallèles et indépendantes. D'autres techniques apparentées au yoga sont l'hypnose et les méthodes de relaxation : le yoga et l'hypnose sont en opposition s'il s'agit d'une hypnose où le sujet abandonne sa volonté personnelle pour s'offrir à la suggestion extérieure ou ne réserve sa volonté que pour mettre en œuvre les suggestions reçues. Mais si l'hypnose est un état particulier, favorable à la réalisation d'une méthode d'entraînement psychosomatique, elle mérite le nom d’autohypnose et peut s'identifier au yoga.
 
Les techniques de culture physique, de maîtrise psychosomatique et de relaxation pourraient également prêter à confusion. Tel est, par exemple, le training autogène (Konzentrative Selbstentspannung de J. H. Schultz), processus d'autodétente par concentration (J. Filliozat) permettant un état de relaxation bienfaisant analogue au sommeil sans recours à une suggestion étrangère. C'est un état d'eutonie, de quiétude psychosomatique dans lequel le sujet, aux écoutes de lui-même, perçoit une association de sensations non identifiées à l'état normal. Elles constituent « le langage du corps » (B. This). Il a pour but de conduire à la détente et à la plongée intérieures et d'obtenir, par le dedans, une déconnexion de tout l'organisme qui permet d'accroître les capacités normales et de réduire ou de supprimer les déficiences anormales (J. H. Schultz). Cette technique n'est pas sans analogies avec le yoga et quelquefois les deux méthodes utilisent les mêmes procédés de concentration de l'attention. Mais le premier est, avant tout, une méthode thérapeutique pendant que le second est essentiellement une technique de maîtrise d'un organisme sain (J. Filliozat).
 
Quelle que soit la similitude des exercices, des attitudes, des postures, du travail musculaire ou respiratoire, le yoga se différencie des méthodes en apparence similaires par des motivations et un contexte psychologique précis qui valorisent considérablement ses techniques somatiques et doivent être étudiées en même temps que ses techniques.
 
En effet, les moyens fondamentaux du yoga sont pour le corps la régulation du souffle (prânâyamà) et pour l'esprit la méditation (dhyàna). La connexion intime entre la fonction respiratoire et l'activité mentale est essentielle (Th. Brosse). Mais la maîtrise du corps n'est qu'un des buts poursuivis. C'est la maîtrise du psychisme, couronnée par « sa mise complète en position » (samâdhi) ou point culminant de la discipline de l'esprit qui est le but par excellence du yoga. Au point de vue de son évolution historique :
 
1. Le yoga n'est pas une acquisition préhistorique, sœur du chamanisme centro-asiatique ou amérindien (Mircea Eliade). C'est au terme, et non à l'origine de leurs activités et, par certaines formes seulement, de ces activités que chaman et yogin paraissent se confondre.
 
2. Le yoga n'est pas une invention née dans le substrat pré-aryen protohistorique de la civilisation de l'Indus comme le voudrait Sir John Marshall.
 
3. Le yoga paraît déjà connu au siècle du Bouddha (fin du VIe, début du Ve siècle avant J.-C). Il se distingue de pratiques ascétiques (dites tapas) qui étonnaient au IVe siècle les compagnons d'Alexandre. Ces pratiques, par lesquelles l'organisme s'entraîne à supporter des conditions anormales, aussi longtemps que possible, visent comme le yoga à la maîtrise de la volonté et des réactions naturelles. Toutefois, celui-ci apparaît comme une méthode plus savante et plus subtile d'acquisition d'une maîtrise stable et générale de l'individualité psychique et physique (J. Filliozat).
Mme Th. Brosse étudie successivement :
 
1. Les techniques physiologiques du hathayoga (yoga d'effort) avec ses postures (âsana), ses gestes (mudra), ses contractions (bandha) et ses exercices respiratoires (prâna yâma).
 
2. Les techniques psychologiques du ràjayoga {yoga royal) avec son exercice majeur, le samyama, et les trois étapes de cette technique de méditation : dhâranâ, dhyâna et samâdhi.
 
Une partie importante de ses recherches est instrumentale. Elle est l'origine d'un atlas de soixante-six planches représentant de très nombreux graphiques obtenus à partir d'un protocole expérimental toujours bien précis. Il ne saurait en être autrement puisque l'on sait aujourd'hui que les rêves, le sommeil, l'utilisation de techniques de maîtrise psychotoniques donnent lieu à des phénomènes objectifs et enregistrables, étudiés soit en Europe, soit dans l'Inde. Ce sont, en particulier, des modifications des tracés électro-encéphalographiques ; de la réaclion psycho-galvanique, de la chronaxie, de l'hémodynamie, de la température cutanée et centrale, des réflexes tendineux, etc. Il faut, toutefois, remarquer que ces recherches sont relativement récentes et que Mme Brosse a eu le grand mérite d'aller les commencer dans l'Inde. Elle y a accompli trois missions en 1935, 1952 et 1958, entre lesquelles elle n'a cessé, pendant 25 ans, de creuser un problème dont elle est devenue une spécialiste très avertie. Ses explorations ont porté sur 92 sujets dont 11 yogin indiens, 4 bhakta, 10 yogin occidentaux, 9 intellectuels entraînés à une concentration mentale intensive, 13 adolescents participant à un stage international en vue de l'éducation de l'affectivité, 20 malades atteint de désordres psychosomatiques et 25 adultes normaux.
 
Il est impossible de donner une analyse même incomplète de recherches aussi importantes.
Disons simplement que l'enregistrement instrumental permet de suivre pas à pas le déroulement des exercices yogiques et de vérifier que, même si l'action est incomplète, elle s'effectue toujours dans le sens décidé par le yogin.
 
Grâce à une discipline mentale exceptionnelle en Occident, il peut maintenir la fixité de son rythme cardiaque pendant les exercices les plus propres à l'accélérer; il peut également le ralentir et déterminer un arrêt qui paraît total à l'investigagation clinique mais que ГЕ.С. révèle incomplet.
 
La même maîtrise psychique est capable de transformer et, quelquefois, de suspendre presque totalement la fonction respiratoire. Cette fonction, à la fois automatique et volontaire (comme la miction), est en corrélation étroite avec les fonctions circulatoires et les activités mentales et végétatives. Aussi, qu'il s'agisse de ràjayoga ou de hathayoga, la régulation du souffle et la méditation restent les bases essentielles et étroitement liées des exercices yogiques. Il est donc possible d'objectiver par des tracés polygraphiques la dislocation des structures psycho-physiologiques qui emprisonnent la conscience par une dynamique du désenchevêtrement (Zimmer). Ce résultat est certainement une des plus belles trouvailles de l'Inde. C'est l'état de « libéré vivant » (Jivanmukta).
 
Ce livre si remarquable ne craint pas de poser plus de problèmes qu'il n'apporte de solutions. L'interprétation des graphiques obtenus n'est pas définitive et les mêmes exercices ont pu donner lieu à des observations divergentes. L'important c'est de constater qu'au cours d'exercices yogiques corrects « il se passe toujours quelque chose » d'enregistrable et qui sera de mieux en mieux défini. Parce qu'ils connaissent mieux que personne la complexité de leur sujet, les auteurs restent discrets et prudents dans leurs conclusions. L'étude descriptive des techniques yogiques a fait, certes, de très grands progrès. Mais nous sommes encore loin de connaître les loi du yoga, c'est-à-dire de pouvoir donner une explication causale de tous les phénomènes inventoriés. En effet, le problème dépasse de beaucoup les limites de l'indologie pour déboucher sur le « mystère » de la respiration et le « mystère » de l'être.
 
Professeur P. Huard.
Compte-rendu dans le Bulletin de l'Ecole française d'Extrême-Orient. Tome 53 N°1, 1966. pp. 293-29

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