Le catalogue des Éditions de l'EFEO, riche d'environ 600 titres, propose des publications portant sur l'Asie, depuis l'Inde jusqu'au Japon, et couvrant un large spectre disciplinaire en sciences humaines et sociales (archéologie, histoire, anthropologie, littératures, philologie, etc.).
Ces publications, si elles s'adressent d'abord à la communauté scientifique, intéressent également un public attiré par les civilisations et sociétés d'Asie.

Éditeurs - Iyanaga (Nobumi)

Né à Tokyo en 1948.
Chercheur contractuel à partir de 2008. Responsable du Centre de Tōkyō.


En 1964, à seize ans, je suis allé en France où j’ai passé cinq ans de ma jeunesse. Après trois ans de l’enseignement secondaire à Nancy, je suis venu à Paris, où j’ai suivi les cours de Bernard Frank à la Quatrième Section de l’École Pratique des Hautes Etudes. C’était l’année où le grand japonologue commença ses cours sur l’iconographie bouddhique, pour le réaménagement du fonds japonais du Musée Guimet, travail dont le fruit sera à la fois l’ouverture de l’Annexe du Musée Guimet, et la publication du magistral livre Le panthéon bouddhique au Japon : collections d'Émile Guimet, en 1991. J’ai découvert alors l’intérêt de la culture de mon propre pays et du bouddhisme en particulier, qui m’ont paru sous un jour pour ainsi dire exotique.
Rentré au Japon en 1969, j’ai continué à m’intéresser au bouddhisme à travers la lecture des ouvrages de la bouddhologie française, comme des articles du Hōbōgirin 法寶義林 ou des traductions d’Étienne Lamotte. En 1972, Bernard Frank, qui était venu à Tōkyō comme directeur français à la Maison Franco-japonaise, a eu la grande gentillesse de me recommander à l’équipe de la rédaction du Hōbōgirin, alors établie au Rinkō-in 林光院 dans le Shōkokuji 相國寺 à Kyōto. C’est ainsi que je suis entré à cette équipe comme collaborateur à temps partiel, et ai fait la connaissance de ses membres, Hubert Durt, Anna Seidel, Antonino Forte et Robert Duquenne. Je me suis lié d’amitié avec Michel Strickmann, Kuo Liying, Jean-Noël Robert, Frédéric Girard et Anne Bouchy aussi. De 1972 à 76, j’ai rédigé l’article « Daijizaiten 大自在天 (Maheśvara) » pour le Hōbōgirin VI. C’est aussi à cette époque que j’ai eu le privilège de faire la connaissance de Rolf A. Stein, qui était venu pour un voyage de recherches au Japon en 1975. Je peux dire que j’ai fait mon apprentissage de la méthode philologique des études bouddhiques à cette époque, à l’ « école du Hōbōgirin ».
Après avoir achevé la rédaction de mon premier article scientifique, j’ai continué mes recherches dans le domaine des études tantriques, et rédigé un article sur le mythe de la soumission de Maheśvara par Trailokyavijaya dans le bouddhisme sino-japonais. C’était bien à cette époque que je connaissais le mieux les arcanes des études tantriques.

Mais n’étant plus affilié à aucune institution, j’ai passé une dizaine d’années à écrire surtout des articles en japonais qui étaient des essais philosophiques ou concernant l’histoire de la pensée occidentale. J’ai été influencé dans ces études par par une psychologue jungienne japonaise, Akiyama Satoko 秋山さと子, avec qui j’ai été lié par une amitié particulièrement forte. Elle avait une vaste culture à la fois des traditions européennes et des études bouddhiques (elle était d’une famille liée à un temple Zen de Tōkyō). L’un des résultats les plus importants de cette période a été un livre qui retrace dans ses grandes lignes l’histoire de l’imaginaire occidental sur l’Orient, depuis l’époque classique grecque (Hérodote) jusqu’au XVIe siècle, en particulier le mystique français nommé Guillaume Postel ; intitulé Gensō no Tōyō 幻想の東洋 (L’Orient imaginaire), ce livre a été lauréat du Prix Shibusawa-Claudel de 1987, et a été réédité deux fois. D’une certaine manière, ce livre peut être considéré comme un complément de l’Orientalism d’Edward Said (1978), mais son point de départ épistémologique est différent de celui de l’ouvrage de Said. Un autre livre, une collection d’essais sur divers sujets, intitulé Rekishi to-iu rōgoku 歴史という牢獄 (La Prison qu’est l’Histoire), reprend certain thèmes qui ont été abordés dans le Gensō no Tōyō, de façon à les compléter.

Après cet « intermède occidentologique », j’ai continué à écrire des essais de ce genre par la suite encore, mais le centre de mes intérêts s’est modifié vers 1990, pour se concentrer sur des problèmes de mythologie bouddhique, de l’Inde au Japon. C’est que j’avais promis d’écrire un autre article pour le Hōbōgirin, sur Daikokuten 大黒天 (Mahākāla), une autre divinité śivaïte, dans les traditions bouddhiques. En suivant l’exemple de certains travaux précurseurs accomplis par R. A. Stein, j’ai essayé d’assimiler le plus possible la méthode structuraliste de mythologie bouddhique que celui-ci a théorisée ; en me fondant surtout sur des sources sino-japonaises, et j’ai tenté de rendre compte des transformations de certaines divinités bouddhiques, de l’Inde jusqu’au Japon. Ce travail, qui a pris une quinzaine d’années, a abouti à la publication de deux monographies en 2002, intitulées l’une
Daikokuten hensō 大黒天変相 (Métamorphoses de Mahākāla), et l’autre, Kannon hen’yōtan 觀音變容譚 (Transformations du Bodhisattva Avalokiteśvara), sous-titrées l’une et l’autre Mythologie bouddhique I et II. Ces deux volumes explorent les possibilités d’une étude mythologique dans le domaine du bouddhisme, en prenant en compte des éléments mythiques hindous ou extrême-orientaux. D’autre part, mon article « Daikokuten 大黒天 (Mahākāla) », paru dans le Hōbōgirin VII, est l’un des résultats des travaux préparatoires faits pour les deux volumes publiés en japonais.
Dans le processus de préparation de ces volumes, j’ai découvert l’intérêt des nouvelles études sur les religions médiévales japonaises. J’ai écrit plusieurs articles importants dans ce domaine (un sur l
Onction d’intronisation des empereurs ; un autre sur les mythes du Roi Māra du Sixième Ciel et la création du Japon). Après la parution de mes livres sur la mythologie bouddhique, je me suis concentré surtout sur ce domaine. J’ai pu me faire de nouveaux amis, en particulier Abe Yasurō 阿部泰郎, professeur à l’Université de Nagoya, Itō Satoshi 伊藤聰, professeur à l’Université d’Ibaraki, Kadoya Atsushi 門屋溫, professeur à temps partiel à l’Université Myōjō d’Iwaki, Bernard Faure, Fabio Rambelli, Lucia Dolce, etc. Mes travaux personnels actuels concernent d’une part les courants considérés souvent comme hétérodoxes et comportant des rites dont certains sont à forte valence sexuelle de l’ésotérisme médiéval et, d’autre part, les origines ésotériques de ce qui deviendra plus tard le shintō.

D’autre part, bien que ma bibliographie ne le reflète pas, depuis une vingtaine d’années, j’ai consacré un certain temps à des travaux dans le domaine des technologies informatiques dans les recherches de sciences humaines. Ishii Kōsei 石井公成, professeur à l’Université Komazawa, grand spécialiste de la pensée bouddhique chinoise et japonaise, qui a joué un rôle important dans la préparation et l’organisation de la
base de donnée SAT (le Canon bouddhique de l’édition de Taishō), a toujours été mon « compagnon de combat » dans ces activités. Ainsi, j’ai présidé de 1994 à 2002 un « forum » électronique dans le cadre du service en ligne commercial japonais du nom de NiftyServe ; ce forum, nommé Paso-kon tōhō-kenkyū パソコン東方研究 (Etudes orientales au moyen d’ordinateurs personnels), réunissait un nombre considérable de chercheurs (peut-être plus d’un millier à certains moments — le nombre exact des participants était inconnu aux non-employés de la société), intéressés à l’utilisation des ordinateurs et de la technologie informatique pour les études de sciences humaines dans le domaine asiatique. J’ai fondé avec quelques amis en 2004 un « mailing list » Internet, nommé kuden-MLkuden » 口傳 signifie les « transmissions orales » pratiquées surtout à l’époque médiévale au Japon, dans les écoles ésotériques), qui réunit des chercheurs Occidentaux et Japonais spécialistes des études sur la culture religieuse médiévale du Japon ; il y a actuellement un peu plus de cent cinquante participants. Ce mailing list a la particularité d’être bilingue : les membres Occidentaux écrivent en anglais, alors que les Japonais écrivent en japonais, ce qui facilite la communication internationale entre chercheurs. D’autre part, je gère un site web personnel (<http://www.bekkoame.ne.jp/~n-iyanag/>), dans lequel je publie soit certains de mes travaux scientifiques, soit des outils qui peuvent être utiles aux chercheurs dans le domaine des études bouddhiques ou orientales utilisant l’ordinateur Macintosh.

Entré à l’EFEO en septembre 2008, au
Centre de Tōkyō, mon principal travail consiste à l’édition des Cahiers d’Extrême-Asie. Benoît Jacquet du Centre de Kyōto et moi, nous formons une équipe où je me charge surtout du contenu scientifique des articles, et Jacquet travaille pour la mise en forme des volumes. Luca Gabbiani, du Centre de Taipei (affecté depuis septembre 2011 au Centre de Pékin) participe aussi au travail de relecture des articles sinologiques. D’autre part, j’organise deux séminaires du bouddhisme, l’un à Tōkyō et l’autre à Kyōto, destinés aux étudiants et jeunes chercheurs étrangers résidant à ces deux villes. Celui de Tōkyō se fait une fois tous les quinze jours, et l’autre à Kyōto se tient une fois tous les mois. Il s’agit d’une introduction à la lecture du kanbun 漢文 bouddhique. Nous avons lu jusqu’ici (juillet 2011) le premier chapitre de l’Ōjō yōshū 往生要集 de Genshin 源信, un texte classique de l’amidisme japonais, composé de citations des textes fondamentaux du bouddhisme. A Tōkyō, nous avons lu aussi quelques lignes du Keiran-shūyō-shū 溪嵐拾葉集 de Kōshū 光宗, un texte typique de collection de transmissions secrètes du Moyen Âge. À partir de septembre 2011, nous allons lire des pages du Xianyu-jing / Kengu-kyō 賢愚經, un recueil de contes bouddhiques du Ve siècle. Depuis septembre 2010, Frédéric Girard a rejoint le Centre de Tōkyō. Comme nous avons des centres des intérêts proches, nous pouvons collaborer à des projets communs.

A la fin de cette petite « biographie », je tiens à exprimer toute ma gratitude à mes maîtres, collègues et amis (dont j’ai pu citer seulement un petit nombre de noms ci-dessus), à qui je dois tant aussi sur le plan scientifique que sur le plan humain.